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la porte étroite

pondu qu’elle ne voulait pas se marier avant sa sœur. Si tu le lui avais demandé, franchement, elle t’aurait répondu comme à moi. Il y a bien là de quoi se tourmenter, n’est-ce pas ? Vois-tu, mon enfant, il n’y a rien de tel que la franchise… Pauvre Alissa, elle m’a parlé aussi de son père qu’elle ne pouvait quitter… Oh ! nous avons beaucoup causé. Elle est très raisonnable, cette petite ; elle m’a dit aussi qu’elle n’était pas encore bien convaincue d’être celle qui te convenait ; qu’elle craignait d’être trop âgée pour toi et souhaiterait plutôt quelqu’un de l’âge de Juliette…

Ma tante continuait ; mais je n’écoutais plus ; une seule chose m’importait : Alissa refusait de se marier avant sa sœur. — Mais Abel n’était-il pas là ! il avait donc raison, ce grand fat : du même coup, comme il disait, il allait décrocher nos deux mariages…

Je cachai de mon mieux à ma tante l’agitation dans laquelle cette révélation pourtant si simple me plongeait, ne laissant paraître