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façon qu’il me semblât sentir l’air pénétrer plus efficacement ma poitrine. Je reportais à tous ces soins du corps mon assiduité de naguère. Je progressais.

Je m’étonnais parfois que ma santé revînt si vite. J’en arrivais à croire que je m’étais d’abord exagéré la gravité de mon état ; à douter que j’eusse été très malade, à rire de mon sang craché, à regretter que ma guérison ne fût pas demeurée plus ardue.

Je m’étais soigné d’abord fort sottement, ignorant les besoins de mon corps. J’en fis la patiente étude et devins, quant à la prudence et aux soins, d’une ingéniosité si constante que je m’y amusais comme à un jeu. Ce dont encore je souffrais le plus, c’était ma sensibilité maladive au moindre changement de la température. J’attribuais, à présent que mes poumons étaient guéris, cette hyperesthésie à ma débilité nerveuse, reliquat de la maladie. Je résolus de vaincre cela. La vue des belles peaux hâlées et comme pénétrées de soleil, que montraient, en travaillant aux