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Syracuse et, je courais sur la route escarpée qui joint Taormine à La Môle, criant, pour l’appeler en moi : Un nouvel être ! Un nouvel être !

Mon seul effort, effort constant alors, était donc de systématiquement honnir ou supprimer tout ce que je croyais ne devoir qu’à mon instruction passée et à ma première morale. Par dédain résolu pour ma science, par mépris pour mes goûts de savant, je refusai de voir Agrigente, et quelques jours plus tard, sur la route qui mène à Naples, je ne m’arrêtai point près du beau temple de Pœstum où respire encore la Grèce, et où j’allai, deux ans après, prier je ne sais plus quel dieu.

Que parlé-je d’unique effort ? Pouvais-je m’intéresser à moi, sinon comme à un être perfectible ? Cette perfection inconnue et que j’imaginais confusément, jamais ma volonté n’avait été plus exaltée que pour y tendre ; j’employais cette volonté tout entière à fortifier mon corps, à le bronzer. Près de Sa-