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pour porter à mes lèvres, même l’eau dont j’aurai le plus soif, je n’aurai plus assez de forces… Je rentrai, mais ne me recouchai pas encore ; je voulais fixer cette nuit, en imposer le souvenir à ma pensée, la retenir ; indécis de ce que je ferais, je pris un livre sur ma table, – la Bible, – la laissai s’ouvrir au hasard ; penché dans la clarté de la lune, je pouvais lire ; je lus ces mots du Christ à Pierre, ces mots, hélas ! que je ne devais plus oublier : Maintenant tu te ceins toi-même et tu vas où tu veux aller ; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains… tu étendras les mains…

Le lendemain, à l’aube, nous partîmes.