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lui, lui parlai. Il se nommait Lassif, n’avait que douze ans, était beau. Il me dit le nom de ses chèvres, me dit que les canaux s’appellent séghias ; toutes ne coulent pas tous les jours, m’apprit-il ; l’eau, sagement et parcimonieusement répartie, satisfait à la soif des plantes, puis leur est aussitôt retirée. Au pied de chacun des palmiers, un étroit bassin est creusé qui tient l’eau pour abreuver l’arbre ; un ingénieux système d’écluses que l’enfant, en les faisant jouer, m’expliqua, maîtrise l’eau, l’amène où la soif est trop grande.

Le jour suivant, je vis un frère de Lassif : il était un peu plus âgé, moins beau ; il se nommait Lachmi. À l’aide de la sorte d’échelle que fait le long du fût la cicatrice des anciennes palmes coupées, il grimpa tout au haut d’un palmier étêté ; puis descendit agilement, laissant, sous son manteau flottant, voir une nudité dorée. Il rapportait du haut de l’arbre, dont on avait fauché la cime, une petite gourde de terre : elle était