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pondit : – Tu guériras ! – avec une conviction si passionnée que, presque convaincu moi-même, j’eus comme un confus sentiment de tout ce que la vie pouvait être, de son amour à elle, la vague vision de si pathétiques beautés, que les larmes jaillirent de mes yeux et que je pleurai longuement sans pouvoir ni vouloir m’en défendre.

Par quelle violence d’amour elle put me faire quitter Sousse ; entouré de quels soins charmants, protégé, secouru, veillé… de Sousse à Tunis, puis de Tunis à Constantine, Marceline fut admirable. C’est à Biskra que je devais guérir. Sa confiance était parfaite ; son zèle ne retomba pas un instant. Elle préparait tout, dirigeait les départs et s’assurait des logements. Elle ne pouvait faire, hélas ! que ce voyage fût moins atroce. Je crus plusieurs fois devoir m’arrêter et finir. Je suais comme un moribond, j’étouffais, par moments perdais connaissance. À la fin du troisième jour, j’arrivai à Biskra comme mort.