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L'IMMORALISTE

peu s’en fallut que je ne me trouvasse mal à mon tour. J’ouvris la porte ; j’appelai ; on accourut.

Dans ma valise se trouvait, je m’en souvins, une lettre d’introduction auprès d’un officier de la ville ; je m’autorisai de ce mot pour envoyer chercher le major.

Marceline cependant s’était remise ; à présent elle était au chevet de mon lit, dans lequel je tremblais de fièvre. Le major arriva, nous examina tous les deux : Marceline n’avait rien, affirma-t-il, et ne se ressentait pas de sa chute ; moi j’étais atteint gravement ; même il ne voulut pas se prononcer et promit de revenir avant le soir.

Il revint, me sourit, me parla et me donna divers remèdes. Je compris qu’il me condamnait. — Vous l’avouerai-je ? Je n’eus pas un sursaut. J’étais las. Je m’abandonnai, simplement. — « Après tout, que m’offrait la vie ? J’avais bien travaillé jusqu’au bout, fait résolument et passionnément mon devoir. Le reste… ah ! que m’importe ? » pensais-je,