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porte de l’hôtel, la place de Touggourt, les rues, l’atmosphère même est étrange au point de me faire croire que ce n’est pas moi qui les vois. — Après quelques instants je rentre. Marceline dort tranquillement. Je m’effrayais à tort ; sur cette terre bizarre, on suppose un péril partout ; c’est absurde. Et, suffisamment rassuré, je ressors.

Étrange animation nocturne sur la place ; circulation silencieuse ; glissement clandestin des burnous blancs. Le vent déchire par instants des lambeaux de musique étrange et les apporte je ne sais d’où. Quelqu’un vient à moi… C’est Moktir. Il m’attendait, dit-il, et pensait bien que je ressortirais. Il rit. Il connaît bien Touggourt, y vient souvent et sait où il m’emmène. Je me laisse entraîner par lui.

Nous marchons dans la nuit ; nous entrons dans un café maure ; c’est de là que venait la musique. Des femmes arabes y dansent – si l’on peut appeler une danse ce monotone glissement. – Une d’elles me