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sine. La lune, depuis longtemps levée, inonde à présent la terrasse. – C’est une clarté presque effrayante. On ne peut pas s’en cacher. Ma chambre a des dalles blanches, et là surtout elle paraît. Son flot entre par la fenêtre grande ouverte. Je reconnais sa clarté dans la chambre et l’ombre qu’y dessine la porte. Il y a deux ans elle entrait plus avant encore… oui, là précisément où elle avance maintenant – quand je me suis levé renonçant à dormir. J’appuyais mon épaule contre le montant de cette porte-là. Je reconnais l’immobilité des palmiers… Quelle parole avais-je donc lue ce soir-là ?… Ah ! oui ; les mots du Christ à Pierre : « Maintenant tu te ceins toi-même, et tu vas où tu veux aller… » Où vais-je ? Où veux-je aller ?… Je ne vous ai pas dit que, de Naples, cette dernière fois, j’avais gagné Pœstum, un jour, seul… Ah ! j’aurais sangloté devant ces pierres ! L’ancienne beauté paraissait, simple, parfaite, souriante – abandonnée. L’art s’en va de moi, je le sens. C’est pour faire place à quoi