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ruisselait jusqu’à nous. Et du talus où nous étions assis, on voyait la plaine embrasée. Cette nuit, Marceline ne peut dormir ; l’étrangeté du silence et des moindres bruits l’inquiète. Je crains qu’elle n’ait un peu de fièvre. Je l’entends se remuer sur son lit. Le lendemain, je la trouve plus pâle. Nous repartons.

Biskra. C’est donc là que je veux en venir… Oui ; voici le jardin public ; le banc… je reconnais le banc où je m’assis aux premiers jours de ma convalescence. Qu’y lisais-je donc ?… Homère ; depuis je ne l’ai pas rouvert. – Voici l’arbre dont j’allai palper l’écorce. Que j’étais faible, alors !… Tiens ! voici des enfants… Non, je n’en reconnais aucun. Que Marceline est grave ! Elle est aussi changée que moi. Pourquoi tousse-t-elle, par ce beau temps ? – Voici l’hôtel. Voici nos chambres ; nos terrasses. – Que pense Marceline ? Elle ne m’a pas dit un mot. – Sitôt arrivée dans sa chambre, elle s’étend sur le lit ; elle est lasse et dit vouloir dormir un peu. Je sors.