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osent donner droit de beauté à des choses si naturelles qu’elles font dire après à qui les voit : « Comment n’avais-je pas compris jusqu’alors que cela aussi était beau ?… »

À Kairouan, que je ne connaissais pas encore, et où j’allai sans Marceline, la nuit était très belle. Au moment de rentrer dormir à l’hôtel, je me souvins d’un groupe d’Arabes couchés en plein air sur les nattes d’un petit café. Je m’en fus dormir tout contre eux. Je revins couvert de vermine.

La chaleur moite de la côte affaiblissant beaucoup Marceline, je lui persuadai que ce qu’il nous fallait, c’était de gagner Biskra au plus vite. Nous étions au début d’avril.

Ce voyage est très long. Le premier jour, nous gagnons d’une traite Constantine ; le second jour, Marceline est très lasse et nous n’allons que jusqu’à El Kantara. – Là nous avons cherché et nous avons trouvé vers le soir une ombre plus délicieuse et plus fraîche que la clarté de la lune, la nuit. Elle était comme un breuvage intarissable ; elle