Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dispose-t-elle à l’angoisse — elle m’aurait dit à haute voix : « Tiens-tu donc tant à ce que je vive ? » je ne l’aurais pas mieux entendue. Décidément tout se défait autour de moi ; de tout ce que ma main saisit, ma main ne sait rien retenir… Je m’élance vers Marceline et couvre de baisers ses tempes pâles. Alors elle ne se retient plus et sanglote sur mon épaule…

– Oh ! Marceline ! Marceline ! partons d’ici. Ailleurs je t’aimerai comme je t’aimais à Sorrente… Tu m’as cru changé, n’est-ce pas ? Mais ailleurs, tu sentiras bien que rien n’a changé notre amour.

Et je ne guéris pas encore sa tristesse, mais déjà, comme elle se raccroche à l’espoir !…

La saison n’était pas avancée, mais il faisait humide et froid, et déjà les derniers boutons des rosiers pourrissaient sans pouvoir éclore. Nos invités nous avaient quittés depuis longtemps. Marceline n’était pas si souffrante qu’elle ne pût s’occuper de fermer la maison et cinq jours après nous partîmes.