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dit. C’est absurde : je dois le faire recommencer. À la fin je distingue ceci : Il croit que Bute est seul coupable ; l’incroyable vérité lui échappe ; que j’aie donné dix francs à Bute, et pour quoi faire ? Il est trop Normand pour l’admettre. Les dix francs, Bute les a volés, c’est sûr ; en prétendant que je les ai donnés, il ajoute au vol le mensonge ; histoire d’abriter son vol ; ce n’est pas à Bocage qu’on en fait accroire de cette force… Du braconnage il n’en est plus question. Si Bocage battait Alcide, c’est parce que le petit découchait.

Allons ! je suis sauvé ; devant Bocage au moins tout va bien. Quel imbécile que ce Bute ! Certes, ce soir je n’ai pas grand désir de braconner.

Je croyais déjà tout fini, mais une heure après voici Charles. Il n’a pas l’air de plaisanter ; de loin déjà il paraît plus rasant que son père. Dire que l’an passé…

– Eh bien ! Charles, voilà longtemps qu’on ne t’a vu.