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tendus par Alcide, puis m’enseigna tel endroit de la haie où je pouvais être à peu près sûr de le surprendre. C’était, sur le haut d’un talus, un étroit pertuis dans la haie qui formait lisière, et par lequel Alcide avait accoutumé de passer vers six heures. Là, Bute et moi, fort amusés, nous tendîmes un fil de cuivre, très joliment dissimulé. Puis, m’ayant fait jurer que je ne le dénoncerais pas, Bute partit, ne voulant pas se compromettre. Je me couchai contre le revers du talus ; j’attendis.

Et trois soirs j’attendis en vain. Je commençai à croire que Bute m’avait joué… Le quatrième soir enfin, j’entends un très léger pas approcher. Mon cœur bat et j’apprends soudain l’affreuse volupté de celui qui braconne… Le collet est si bien posé qu’Alcide y vient donner tout droit. Je le vois brusquement s’étaler, la cheville prise. Il veut se sauver ; retombe, et se débat comme un gibier. Mais déjà je le tiens. C’est un méchant galopin, à l’œil vert, aux