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décida à envoyer ses hommes. Ils vinrent six à la fois, prétendant achever tout l’ouvrage en dix jours. La partie des bois exploitée touchait presque à la Valterie ; j’acceptai, pour faciliter l’ouvrage des bûcherons, qu’on apportât leur repas de la ferme. Celui qui fut chargé de ce soin était un loustic nommé Bute, que le régiment venait de nous renvoyer tout pourri – j’entends quant à l’esprit, car son corps allait à merveille ; c’était un de ceux de mes gens avec qui je causais le plus volontiers. Je pus donc ainsi le revoir sans aller pour cela sur la ferme. Car c’est précisément alors que je recommençai de sortir. Et durant quelques jours, je ne quittai guère les bois, ne rentrant à la Morinière que pour les heures des repas, et souvent me faisant attendre. Je feignais de surveiller le travail, mais en vérité ne voyais que les travailleurs.

Il se joignait parfois, à cette bande de six hommes, deux des fils Heurtevent ; l’un âgé de vingt ans, l’autre de quinze, élancés, cam-