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ou lui faisais doucement la lecture. Je ne sortais jamais sans lui rapporter quelques fleurs. Je me souvenais des tendres soins dont elle m’avait entouré alors que moi j’étais malade, et l’entourais de tant d’amour que parfois elle en souriait, comme heureuse. Pas un mot ne fut échangé au sujet du triste accident qui meurtrissait nos espérances…

Puis la phlébite se déclara : et quand elle commença de décliner, une embolie, soudain, mit Marceline entre la vie et la mort. C’était la nuit ; je me revois penché sur elle, sentant, avec le sien, mon cœur s’arrêter ou revivre. Que de nuits la veillai-je ainsi ! le regard obstinément fixé sur elle, espérant, à force d’amour, insinuer un peu de ma vie en la sienne. Et si je ne songeais plus beaucoup au bonheur, ma seule triste joie était de voir parfois sourire Marceline.

Mon cours avait repris. Où trouvai-je la force de préparer mes leçons, de les dire ?… Mon souvenir se perd et je ne sais comment