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déjà belle devait s’embellir encore ; je comptais pour cela sur mon cours, sur la publication de mon livre et même, avec quelle folie ! sur les nouveaux rendements de mes fermes. Je ne m’arrêtai donc devant aucune dépense, me disant à chacune que je me liais d’autant plus, et prétendant supprimer du même coup toute humeur vagabonde que je pouvais sentir, ou craindre de sentir en moi.

Les premiers jours, et du matin au soir, notre temps se passa en courses ; et bien que le frère de Marceline, très obligeamment, s’offrît ensuite à nous en épargner plusieurs, Marceline ne tarda pas à se sentir très fatiguée. Puis, au lieu du repos qui lui eût été nécessaire, il lui fallut, aussitôt installée, recevoir visites sur visites ; l’éloignement où nous avions vécu jusqu’alors les faisait à présent affluer, et Marceline, déshabituée du monde, ni ne savait les abréger, ni n’osait condamner sa porte ; je la trouvais, le soir, exténuée ; — et si je ne m’inquiétai pas d’une