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force d’insistances que je le contraignais à s’expliquer :

– Enlever aux fermiers toutes terres qu’ils laissent incultivées, finissait-il par conseiller. Si les fermiers laissent une partie de leurs champs en jachère, c’est preuve qu’ils ont trop du tout pour vous payer ; ou s’ils prétendent garder tout, hausser le prix de leurs fermages. – Ils sont tous paresseux, dans ce pays, ajoutait-il.

Des six fermes que je me trouvais avoir, celle où je me rendais le plus volontiers était située sur la colline qui dominait la Morinière ; on l’appelait La Valterie ; le fermier qui l’occupait n’était pas déplaisant ; je causais avec lui volontiers. Plus près de la Morinière, une ferme dite « la ferme du Château » était louée à demi par un système de demi-métayage qui laissait Bocage, à défaut du propriétaire absent, possesseur d’une partie du bétail. À présent que la défiance était née, je commençais à soupçonner l’honnête Bocage lui-même, sinon de me duper,