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excuse ; qu’avais-je affaire maintenant de soins constants et d’égoïsme ? n’étais-je pas plus fort qu’elle à présent ?…

Le sourire avait quitté ses joues ; l’aurore, malgré qu’elle dorât chaque chose, me la fit voir soudain triste et pâle ; – et peut-être l’approche du matin me disposait-elle à l’angoisse : « Devrai-je un jour, à mon tour, te soigner ? m’inquiéter pour toi, Marceline ? » m’écriai-je au-dedans de moi. Je frissonnai ; et, tout transi d’amour, de pitié, de tendresse, je posai doucement entre ses yeux fermés le plus tendre, le plus amoureux et le plus pieux des baisers.