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VIII


La route de Ravello à Sorrente est si belle que je ne souhaitais ce matin rien voir de plus beau sur la terre. L’âpreté chaude de la roche, l’abondance de l’air, les senteurs, la limpidité, tout m’emplissait du charme adorable de vivre et me suffisait à ce point que rien d’autre qu’une joie légère ne semblait habiter en moi ; souvenirs ou regrets, espérance ou désir, avenir et passé se taisaient ; je ne connaissais plus de la vie que ce qu’en apportait, en emportait l’instant. — Ô joie physique ! m’écriais-je ; rythme sûr de mes muscles ! santé !…

J’étais parti de grand matin, précédant Marceline dont la trop calme joie eût tem-