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ISABELLE

tances, il me tendit une fragile miniature encadrée :

— Regardez.

Je m’approchai de la fenêtre.

Quel est ce conte où le héros tombe amoureux du seul portrait de la princesse ? Ce devait être ce portrait-là. Je n’entends rien à la peinture et me soucie peu du métier ; sans doute un connaisseur eût-il jugé cette miniature affétée : sous trop de complaisante grâce s’effaçait presque le caractère : mais cette pure grâce était telle qu’on ne la pût oublier.

Peu m’importaient vous dis-je les qualités ou les défauts de la peinture : la jeune femme que j’avais devant moi et dont je ne voyais que le profil, une tempe à demi cachée par une lourde boucle noire, un œil languide et tristement rêveur, la bouche entrouverte et comme soupirante, le col fragile autant qu’une tige de fleur, cette femme était de la plus troublante, de la plus angélique beauté. À la contempler j’avais perdu conscience du lieu, de