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ISABELLE

on n’entendait de leur côté que le roulement des dés dans le cornet et sur la table ; Monsieur de Saint-Auréol dans la bergère monologuait ou chantonnait à demi-voix, et parfois, tout à coup, flanquait un énorme coup de pincette au travers du feu, si impertinemment qu’il en éclaboussait au loin la braise ; Mademoiselle Olympe accourait précipitamment et exécutait sur le tapis ce que Madame de Saint-Auréol appelait élégamment la danse des étincelles… Le plus souvent Monsieur Floche laissait le baron aux prises avec l’abbé et ne quittait pas son fauteuil ; de ma place je pouvais le voir, non point dormant comme il disait, mais hochant la tête dans l’ombre ; et le premier soir, un sursaut de flamme ayant éclairé brusquement son visage, je pus distinguer qu’il pleurait.

À neuf heures et quart, le bésigue terminé. Madame Floche éteignait la lampe, tandis que Mademoiselle Verdure allumait deux flambeaux qu’elle posait des deux côtés du jacquet.

— L’abbé, ne le faites pas veiller trop tard,