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ISABELLE

parvins à comprendre que cette thèse était un travail de l’abbé, que l’abbé faisait remettre au net et copier par l’enfant dont l’écriture était correcte. Il en tirait quatre grosses, dans quatre cahiers cartonnés dont chaque jour il noircissait quelques pages. Casimir m’affirma du reste qu’il se plaisait beaucoup à " copier ".

— Mais pourquoi quatre fois ?

— Parce que je retiens difficilement.

— Vous comprenez ce que vous écrivez ?

— Quelquefois. D’autres fois l’abbé m’explique ; ou bien il dit que je comprendrai quand je serai plus grand.

L’abbé avait tout bonnement fait de son élève une manière de secrétaire-copiste. Est-ce ainsi qu’il entendait ses devoirs ? Je sentais mon cœur se gonfler et me proposai d’avoir incessamment avec lui une conversation tragique. L’indignation m’avait fait presser le pas inconsciemment ; Casimir prenait peine à me suivre ; je m’aperçus qu’il était en nage.