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ISABELLE

maient un couple parfait ; tout comme les deux Floche, du reste : au Muséum on les eût mis sous vitrine l’un contre l’autre sans hésiter ; près des " espèces disparues ". J’éprouvai devant eux d’abord cette sorte d’admiration confuse qui, devant les œuvres d’art accompli ou devant les merveilles de la Nature, nous laisse, aux premiers instants, stupides et incapables d’analyse. Ce n’est que lentement que je parvins à décomposer mon impression…

Le baron Narcisse de Saint-Auréol portait culottes courtes, souliers à boucle très apparente, cravate de mousseline et jabot. Une pomme d’Adam, aussi proéminente que le menton, sortait de l’échancrure du col et se dissimulait de son mieux sous un bouillon de mousseline ; le menton, au moindre mouvement de la mâchoire faisait un extraordinaire effort pour rejoindre le nez qui, de son côté, y mettait de la complaisance. Un œil restait hermétiquement clos ; l’autre, vers qui remontait le coin de la lèvre et tendaient tous