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ISABELLE

— Ma foi, je vous avoue que je n’ai pas dîné.

Elle me fit entrer dans une vaste salle à manger où se trouvait préparé un médianoche confortable.

— À cette heure, le fourneau est éteint ; et à la campagne il faut se contenter de ce que l’on trouve.

— Mais tout cela m’a l’air excellent, dis-je en m’attablant devant un plat de viande froide. Elle s’assit de biais sur une autre chaise près de la porte, et, pendant tout le temps que je mangeais, resta les yeux baissés, les mains croisées sur les genoux, délibérément subalterne. À plusieurs reprises, comme la morne conversation retombait, je m’excusai de la retenir ; mais elle me donna à entendre qu’elle attendait que j’eusse fini pour desservir :

— Et votre chambre, comment feriez-vous pour la trouver tout seul ?…

Je dépêchais et mettais bouchées doubles lorsque la porte du vestibule s’ouvrit : un