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ISABELLE

souvent ? repris-je par un effort désespéré d’amorcer la conversation.

— Vous pensez ! Si l’on n’a pas autre chose à faire !

Le désordre était réparé : d’un geste il m’invita à remonter dans la voiture, qui repartit.

Le cheval peinait aux montées, trébuchait aux descentes et tricotait affreusement en terrain plat ; parfois, tout inopinément, il stoppait. — Du train dont nous allons, pensais-je, nous arriverons au Carrefour longtemps après que mes hôtes se seront levés de table ; et même (nouvel arrêt du cheval) après qu’ils se seront couchés. J’avais grand-faim ; ma bonne humeur tournait à l’aigre. J’essayai de regarder le pays : sans que je m’en fusse aperçu, la voiture avait quitté la grande route et s’était engagée dans une route plus étroite et beaucoup moins bien entretenue ; les lanternes n’éclairaient de droite et de gauche qu’une haie continue, touffue et haute : elle