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ISABELLE

et (car je ne lui parlai pas de la nuit où mon indiscrétion l’avait surprise) mes regrets enfin de regagner Paris sans l’avoir vue..

— Qu’est-ce donc qui vous avait donné si grand désir de me connaître ?

Elle ne faisait plus mine de partir. J’avais traîné jusqu’en face d’elle, près d’elle, un épais fagot où je m’étais assis ; plus bas qu’elle, je levais les yeux pour la voir ; elle s’occupait enfantinement à pelotonner des rubans de crêpe et je ne saisissais plus son regard. Je lui parlai de sa miniature et m’inquiétai de ce qu’avait pu devenir ce portrait dont j’étais amoureux ; mais elle ne le savait point.

— Sans doute le retrouvera-t-on en levant les scellés… Et il sera mis en vente avec le reste, ajouta-t-elle avec un rire dont la sécheresse me fit mal. — Pour quelques sous vous pourrez l’acquérir, si le cœur vous en dit toujours.

Je protestai de mon chagrin de la voir ne prendre pas au sérieux un sentiment dont