Page:Gide - Isabelle.djvu/177

Cette page a été validée par deux contributeurs.
173
ISABELLE

— Oh ! je venais en simple visiteur. Les grilles étaient ouvertes et j’ai vu des gens circuler. Mais peut-être était-il indiscret d’entrer ?

— À présent, peut bien entrer qui veut ! Elle soupira profondément, mais se reprit à son ouvrage comme si nous ne pouvions avoir rien de plus à nous dire.

Ne sachant comment continuer un entretien qui peut-être serait unique, qui devait être décisif, mais que le temps ne me paraissait pas venu de brusquer ; soucieux d’y apporter quelque précaution, et la tête et le cœur uniquement pleins d’attente et de questions que je n’osais encore poser, je demeurais devant elle, chassant du bout de ma canne de menus éclats de bois, si gêné, si impertinent à la fois et si gauche, qu’à la fin elle releva les yeux, me dévisagea et je crus qu’elle allait éclater de rire ; mais elle me dit simplement, sans doute parce qu’alors je portais un chapeau mou sur des cheveux longs, et parce que ne me pressait apparemment aucune occupation pratique :