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ISABELLE

Je n’avais plus pour m’éclairer que quelques allumettes ; j’en grattai une afin de regarder à ma montre : il était près d’onze heures et demie ; j’écarquillai l’oreille… plus un bruit. À tâtons je gagnai la porte et l’ouvris.

Non, le cœur ne me battait point ; je me sentais de corps agile, impondérable ; d’esprit calme, subtil, résolu.

À l’autre extrémité du couloir, une grande fenêtre versait jusqu’à moi une clarté non point égale comme celle des nuits tranquilles, mais palpitante et défaillante par instants, car le ciel était pluvieux et, devant la lune, le vent charriait d’épais nuages. Je m’étais déchaussé ; j’avançais sans bruit… Je n’avais pas besoin d’y voir davantage pour gagner le poste d’observation que je m’étais ménagé : c’était, à côté de celle de Madame Floche, où vraisemblablement se tenait le conciliabule, une petite chambre inhabitée, qu’avait occupée d’abord Monsieur Floche (il préférait à présent le voisinage de ses livres à celui de sa femme) ; la