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ISABELLE

me, ou si cette curiosité qu’il se défendait d’avoir devant moi, il allait lui lâcher la bride ?… mais il couchait dans une autre partie du château, faisant pendant à celle que j’occupais, et où aucun motif plausible ne m’appelait. Pourtant, qui de nous deux serait le plus penaud, si nous nous surprenions l’un l’autre dans le couloir ?… Ainsi méditant il m’advint quelque chose d’inavouable, d’absurde, de confondant : je m’endormis.

Oui, moins surexcité sans doute qu’épuisé par l’attente et fatigué en outre par la mauvaise nuit de la veille, je m’endormis profondément.

Le crépitement de la bougie qui achevait de se consumer m’éveilla ; ou, peut-être, vaguement perçu à travers mon sommeil, un ébranlement sourd du plancher : certainement quelqu’un avait marché dans le couloir. Je me dressai sur mon séant. Ma bougie à ce moment s’éteignit ; je demeurai, dans le noir, tout pantois.