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ISABELLE

— Seriez-vous méchant, Monsieur l’abbé ?

— Mais non ! mais non… Cette bonne demoiselle, qui ne prend pas assez d’exercice, a besoin qu’on lui fouette le sang. Elle est très combative, croyez-moi ; quand je reste trois jours sans pousser ma pointe c’est elle qui vient ferrailler. À la Quartfourche les distractions ne sont pas si nombreuses !…

Et tous deux alors, sans parler, nous commençâmes de penser à la lettre du déjeuner.

— Vous avez reconnu cette écriture ? me hasardai-je à demander enfin.

Il haussa les épaules :

— Un peu plus tôt, un peu plus tard, c’est la lettre qu’on reçoit à la Quartfourche deux fois par an, après le paiement des fermages, et par laquelle elle annonce à Madame Floche sa venue.

— Elle va venir ? m’écriai-je.

— Calmez-vous ! Calmez-vous : vous ne la verrez pas.

— Et pourquoi ne la pourrai-je point voir ?