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ISABELLE

tueux, musiques aérées, jusqu’ici vous ne parviendrez plus jamais ! me disais-je ; et je songeais à vous, Isabelle. De quelle tombe aviez-vous su vous évader ! vers quelle vie ? Là, dans la calme clarté de la lampe, je vous imaginais, sur vos doigts délicats, laissant peser votre front pâle ; une boucle de cheveux noirs touche, caresse votre poignet. Comme vos yeux regardent loin ! de quel ennui sans nom de votre chair et de votre âme, raconte-t-il la plainte, ce soupir qu’ils n’entendent pas ? Et de moi-même, à mon insu, s’échappait un soupir énorme qui tenait du bâillement, du sanglot, de sorte que Madame de Saint-Auréol, jetant son dernier atout sur la table, s’écriait :

— Je crois que Monsieur Lacase a grande envie de s’en aller coucher. — Pauvre femme !

Cette nuit je fis un rêve absurde ; un rêve qui n’était d’abord que la continuation de la réalité :

La soirée n’était pas achevée ; j’étais encore