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ISABELLE

thie ; et depuis qu’il savait mes prétentions il s’amusait de moi d’une manière qui déjà me devenait insupportable) — N’allez-vous pas un peu trop vite ?… Et puis-je vous demander à mon tour comment vous êtes si bien renseigné ?

— Parce que la lettre qu’Isabelle de Saint-Auréol écrivait à son amant ce jour-là, ce n’est pas lui qui l’a reçue ; c’est moi.

Décidément il fallait compter avec moi ; l’abbé à ce moment aperçut une petite tache sur la manche de sa soutane et commença de la gratter du bout de l’ongle ; il entrait en composition.

— J’admire ceci… que dès qu’on se croit né romancier, on s’accorde aussitôt tous les droits. Un autre y regarderait à deux fois avant de prendre connaissance d’une lettre qui ne lui est pas adressée.

— J’espère plutôt. Monsieur l’abbé, qu’il n’en prendrait pas connaissance du tout.

Je le considérais fixement ; mais il grattait toujours, les yeux baissés.