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ISABELLE

sans doute pas grande valeur puisqu’elle ne les met pas ; mais Je crois que la chaîne est très belle. Pour de l’argent… je ferai mon possible ; mais tu feras tout de même bien de t’en procurer.

À toi de toutes mes prières. À bientôt, ton

Isa.

Ce 22 octobre, anniversaire de ma vingt-deuxième année et veille de mon évasion.

Je songe avec terreur, si j’avais à cuisiner en roman cette histoire, aux quatre ou cinq pages de développements qu’il siérait ici de gonfler : réflexions après lecture de cette lettre, interrogations, perplexités… En vérité, comme après un très violent choc, j’étais tombé dans un état semi-léthargique. Quand enfin parvint à mon oreille, à travers la confuse rumeur de mon sang, un son de cloche, qui redoubla : c’est le second appel du déjeuner, pensai-je ; comment n’ai-je pas entendu le premier ? Je tirai ma montre : midi ! Aussitôt bondissant au-dehors, l’ardente lettre pressée