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ISABELLE

je ne pourrai plus rien te dire ; mes lèvres, près de toi, ne sauront plus trouver que des baisers. Vite, pendant que je puis parler encore ; écoute :

Onze heures c’est trop tôt ; mieux vaut minuit. Tu sais que je meurs d’impatience et que l’attente m’exténue, mais pour que je m’éveille à toi il faut que toute la maison dorme. Oui, minuit ; pas avant. Viens à ma rencontre jusqu’à la porte de la cuisine (en suivant le mur du potager qui est dans l’ombre et ensuite il y a des buissons), attends-moi là et non pas devant la grille, non que j’aie peur de traverser seule le jardin, mais parce que le sac ou j’emporte un peu de vêtements sera très lourd et que je n’aurai pas la force de le porter longtemps.

En effet il vaut mieux que la voiture reste en bas de la ruelle où nous la retrouverons facilement. À cause des chiens de la ferme qui pourraient aboyer et donner l’éveil, c’est plus prudent.

Mais non, mon ami, il n’y avait pas moyen, tu le sais, de nous voir davantage et de convenir de tout ceci de vive voix. Tu sais qu’ici je vis captive et que les vieux ne me laissent pas plus sortir qu’ils ne te