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ISABELLE

à demi-voix, puis à voix plus haute : Isabelle !… et ce nom qui m’avait déplu tout d’abord, se revêtait à présent pour moi d’élégance, se pénétrait d’un charme clandestin… Isabelle de Saint-Auréol ! Isabelle ! J’imaginais sa robe blanche fuir au détour de chaque allée ; à travers l’inconstant feuillage, chaque rayon rappelait son regard, son sourire mélancolique, et comme encore j’ignorais l’amour, je me figurais que j’aimais et, tout heureux d’être amoureux, m’écoutais avec complaisance.

Que le parc était beau ! et qu’il s’apprêtait noblement à la mélancolie de cette saison déclinante. J’y respirais avec enivrement l’odeur des mousses et des feuilles pourrissantes. Les grands marronniers roux, à demi dépouillés déjà, ployaient leurs branches jusqu’à terre ; certains buissons pourprés rutilaient à travers l’averse ; l’herbe, auprès d’eux, prenait une verdeur aiguë ; il y avait quelques colchiques dans les pelouses du jardin ; un peu plus bas, dans le vallon, une prairie en était rose, que