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blaient autour de Petrachevsky. Il fut incarcéré, passa en jugement, s’entendit condamner à mort. Ce ne fut qu’au dernier moment que cette peine de mort fut commuée et qu’il fut envoyé en Sibérie. Tout cela vous le savez déjà. Je voudrais ne vous dire dans ces Causeries que ce que vous ne pourriez trouver ailleurs ; mais, pour ceux qui ne les connaissent pas, je vous lirai néanmoins quelques passages de ses lettres ayant trait à sa condamnation et à sa vie de bagne. Ils m’ont paru extrêmement révélateurs. Nous y verrons, à travers la peinture de ses angoisses, reparaître sans cesse cet optimisme qui le soutint toute sa vie. Voici donc ce qu’il écrivait, le 18 juillet 1849, de la forteresse où il attendait son jugement :

Dans l’homme il y a une grande réserve d’endurance et de vie, et, vraiment, je ne croyais pas qu’il y en eût autant. Maintenant je l’ai appris par expérience.

Puis en août, tout accablé par la maladie :

C’est un péché que de se décourager… Le travail excessif, con amor, voilà le véritable bonheur.

Et encore le 14 septembre 1849 :

Je m’attendais à bien pis, et je sais maintenant ne j’ai une si grande provision de vie en moi qu’il est difficile de l’épuiser[1].

  1. Correspondance, p. 101.