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trice. Nous lisons dans une lettre de cette époque :

Je suis tout étourdi, je ne vis pas, je n’ai pas le temps de réfléchir. On m’a créé une renommée douteuse, et je ne sais jusques à quand durera cet enfer[1].

Je ne parle que des événements les plus importants et saute par-dessus la publication de plusieurs livres de moindre intérét.

En 1849, il est saisi par la police avec un groupe de suspects. C’est ce qu’on appela la conspiration de Petrachevsky.

Il est très difficile de dire ce qu’étaient au juste les opinions politiques et sociales de Dostoïevsky, en ce temps. Dans cette fréquentation de gens suspects, sans doute faut-il voir beaucoup de curiosité intellectuelle et certaine générosité de cœur qui le poussa inconsidérément au risque ; mais rien ne nous permet de croire que Dostoïevsky ait été jamais ce qu’on peut appeler un anarchiste, un être dangereux pour la sûreté de l’État.

De nombreux passages de sa Correspondance et du Journal d’un écrivain nous le présentent d’une opinion toute contraire, et le livre entier des Possédés nous offre comme le procès même de l’anarchie. Toujours est-il qu’il fut pris parmi ces gens suspects qui s’assem-

  1. Correspondance, p. 94.