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germanique de celui-ci », lui disent-il. Riesenkampf, plus âgé de quelques années que Theodor Michaïlovitch, est docteur. En 1843, il vint s’installer à Pétersbourg. En ce temps, Dostoïevsky se trouvait sans un kopek ; il vivait de lait et de pain, à crédit. « Theodor est de ces gens auprès de qui il fait bon vivre, mais qui demeureront toujours dans le besoin », lisons-nous dans une lettre de Riesenkampf. Ils s’établissent donc ensemble, mais Dostoïevsky se révèle un camarade impossible. Il accueille les clients de Riesenkampf dans la salle où celui-ci les fait attendre. Chaque fois que l’un d’eux lui paraît misérable, il le secourt avec l’argent de Riesenkampf, ou avec le sien, lorsqu’il en a. Certain jour, il reçoit mille roubles de Moscou. L’argent sert aussitôt à régler quelques dettes, puis, le soir même, Dostoïevsky aventure au jeu le reste de la somme (au billard, nous a-t-il raconté) et dès le lendemain matin, il se voit contraint d’emprunter cinq roubles à son ami. J’oubliais de dire que les cinquante derniers roubles avaient été volés par un client de Riesenkampf que Dostoïevsky, dans un élan de subite amitié, avait introduit dans sa chambre. Riesenkampf et Theodor Michaïlovitch se séparèrent en mars 1844, sans que le dernier parût beaucoup amendé.

En 1846, il publie les Pauvres Gens. Ce livre eut un succès considérable, subit. La manière dont Dostoïevsky parle de ce succès est révéla-