Page:Gide - Dostoïevsky, 1923.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

libre, il put se rendre compte que le vrai but, que la liberté qu’il souhaitait vraiment, était quelque chose de plus profond, et qui n’avait rien à voir avec l’élargissement des geôles. Et en 1877, il écrit cette phrase extraordinaire, qu’il me plaît de rapprocher de ce que je vous lisais à l’instant :

Il ne faut gâcher sa vie pour aucun but[1].

Ainsi donc, selon Dostoïevsky, nous avons une raison de vivre, supérieure, secrète, — secrète souvent même pour nous, — toute différente assurément du but extérieur que la plupart d’entre nous assignent à leur vie. Mais tâchons d’abord de nous représenter la personne de Theodor Michaïlovitch Dostoïevsky. Son ami Riesenkampf nous le peint, tel qu’il était en 1841, à vingt ans.

Un visage arrondi, plein ; un nez quelque peu retroussé ; des cheveux châtain clair, coupés court. Un grand front, et sous de faibles sourcils, de petits yeux gris, très enfoncés. Des joues pâles, semées de taches de rousseur. Un teint maladif, presque terreux, et des lèvres très renflées.

On dit quelquefois que c’est en Sibérie qu’il avait eu ses premières attaques d’épilepsie ; mais il était déjà malade avant sa condamna-

  1. Correspondance, p. 449.