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toïevsky que je pense lorsque je lis plus loin :

La véritable grandeur est libre, douce, familière, populaire ; elle se laisse toucher et manier, elle ne perd rien à être vue de près ; plus on la connaît, plus on l’admire. Elle se courbe par bonté vers ses inférieurs, et revient sans effort dans son naturel ; elle s’abandonne quelquefois, se néglige, se relâche de ses avantages, toujours en pouvoir de les reprendre et de les faire valoir…

Chez Dostoïevsky, en effet, nulle pose, nulle mise en scène. Il ne se considère jamais comme un surhomme ; il n’y a rien de plus humblement humain que lui ; et même je ne pense pas qu’un esprit orgueilleux puisse tout à fait bien le comrendre.

Ce mot d’humilité reparaît sans cesse dans sa Correspondance et dans ses livres :

Pourquoi me refuserait-il ? D’autant plus que je n’exige pas, mais que je prie humblement (lettre du 23 novembre 1869. « Je n’exige pas, je demande humblement » (7 décembre 1869). « J’ai adressé la demande la plus humble » (12 février 1870).

« Il m’étonnait souvent par une sorte d’humilité », dit l’Adolescent en parlant de son père, et quand il cherche à comprendre les relations qu’il peut y avoir entre son père et sa mère, la nature de leur amour, il se souvient d’une phrase de son père : « Elle m’a épousé par humilité[1] »

  1. Adolescent, p. 3.