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« LES FRÈRES KARAMAZOV[1] »


Dostoïevsky, « le seul qui m’ait appris quelque chose en psychologie », disait Nietzsche.

Sa fortune parmi nous a été bien singulière. M. de Vogüé qui présentait la littérature russe à la France, il y a quelque vingt ans, semblait effrayé de l’énormité de ce monstre. Il s’excusait, il prévenait poliment l’incompréhension du premier public ; grâce à lui, on avait chéri Tourgueneff, on admirait de confiance Pouchkine et Gogol ; on ouvrait un large crédit pour Tolstoï ; mais Dostoïevsky… décidément, c’était trop russe ; M. de Vogüé criait casse-cou. Tout au plus consentait-il à diriger les curiosités des premiers lecteurs sur les deux ou trois tomes de l’œuvre qu’il estimait les plus accessibles et où l’esprit se pouvait le plus indo-

  1. Article écrit avant la représentation du drame de Jacques Copeau et J. Croué, d’après le roman de Dostoïevsky.