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« Qui veut sauver sa vie la perdra ; qui donnera sa vie pour l’amour de moi la rendra vraiment vivante. »

Rentré à Pétersbourg dans l’hiver de 71-72, à cinquante ans, il écrit à Ianovsky : « Il faut l’avouer, la vieillesse arrive ; et cependant on n’y songe pas, on se dispose encore à écrire de nouveau (il préparait les Karamazov), à publier quelque chose qui puisse contenter enfin ; on attend encore quelque chose de la vie et cependant il est possible qu’on ait tout reçu. Je vous parle de moi ; eh bien ! je suis parfaitement heureux. » C’est ce bonheur, cette joie par delà la douleur, qu’on sent latente dans toute la vie et l’œuvre de Dostoïevsky, joie qu’avait parfaitement bien flairée Nietzsche, et que je reproche en toutes choses à M. de Vogüé de n’avoir absolument pas distinguée.

Le ton des lettres de cette époque change brusquement. Ses correspondants habituels habitant avec lui Pétersbourg, ce n’est plus à eux qu’il écrit, mais à des inconnus, des correspondants de fortune qui s’adressent à lui pour être édifiés, consolés, guidés. Il faudrait presque tout citer ; mieux vaut renvoyer au livre ; je n’écris cet article que pour y amener mon lecteur.

Enfin, délivré de ses horribles soucis d’argent, il s’emploie de nouveau, durant les dernières années de sa vie, à diriger le Journal