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vie, » une « sanctification de l’idiot, du neutre, de l’inactif », etc., nous lisons d’autre part dans la lettre à son frère, non donnée par Bienstok : « Ce sont des gens simples, me dira-t-on. Mais un homme simple est bien plus à craindre qu’un homme compliqué. » — À une jeune fille qui désirait « se rendre utile » et lui avait exprimé sa volonté de devenir infirmière ou sage-femme : « … en s’occupant régulièrement de son instruction on se prépare à une activité cent fois plus utile… », écrit-il ; et plus loin : « ne serait-il pas mieux de s’occuper de votre instruction supérieure ?… La plupart de nos spécialistes sont des gens profondément peu instruits… et la plupart de nos étudiants et étudiantes sont tout à fait sans aucune instruction. Quel bien peuvent-ils faire à l’humanité ! » Et certes je n’avais pas besoin de ces paroles pour comprendre que M. de Vogüé se trompait, mais tout de même on pouvait se méprendre.

Dostoïevsky ne se laisse pas plus facilement enrôler pour ou contre le socialisme ; car, si Hoffmann est en droit de dire : « Socialiste, dans le sens le plus humain du mot, Dostoïevsky n’a jamais cessé de l’être », ne lisons-nous pas dans la correspondance ; « Déjà le socialisme a rongé l’Europe ; si on tarde trop, il démolira tout. »

Conservateur, mais non traditionaliste ; tsariste, mais démocrate ; chrétien, mais non