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l’habitude de la Russie. Pas d’air russe, ni de personnes russes. Enfin, je ne comprends pas du tout les émigrants russes. Ce sont des fous. »

C’est pourtant à Genève, à Vevey qu’il écrit l’Idiot, l’Éternel Mari, les Possédés ; n’importe ! « Vous dites des paroles d’or à propos de mon travail ici ; en effet, je resterai en arrière, non pas au point de vue du siècle, mais au point de vue de la connaissance de ce qui se passe chez nous (je le sais certainement mieux que vous, car journellement ! je lis trois journaux russes jusqu’à la dernière ligne et je reçois deux revues), mais je me déshabituerai du cours vivant de l’existence ; non pas de son idée, mais de son essence même ; et comme cela agit sur le travail artistique ! »

De sorte que cette « sympathie universelle » s’accompagne, se fortifie d’un nationalisme ardent qui, dans l’esprit de Dostoïevsky, en est le complément indispensable. Il proteste, sans lassitude, sans trêve contre ceux qu’on appelait alors là-bas les « progressistes », c’est-à-dire (j’emprunte cette définition à Strakhov), « cette race de politiciens qui attendaient les progrès de la culture russe, non point d’un développement organique du fonds national, mais d’une assimilation précipitée de l’enseignement occidental ».

— « Le Français est avant tout Français, et l’Anglais Anglais, et leur but suprême est de rester eux-mêmes. C’est là qu’est leur force. » Il s’insurge « contre ces hommes qui déra-