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II

Homme d’aucun parti, craignant l’esprit de faction qui divise, il écrivait : « La pensée qui m’occupe le plus, c’est en quoi consiste notre communion d’idées, quels sont les points sur lesquels nous pourrions nous rencontrer, tous, de n’importe quelle tendance. Profondément convaincu que, « en la pensée russe, se concilient les antagonismes » de l’Europe, lui, « vieil Européen russe », comme il se nommait, il travaillait de toutes les forces de son âme à cette unité russe, où dans un grand amour du pays et de l’humanité devaient se fondre tous les partis. « Oui, je partage votre opinion, que la Russie achèvera l’Europe, de par sa mission même. Cela m’est évident depuis longtemps », écrit-il de Sibérie. Ailleurs, il parle des Russes comme d’une « nation vacante, capable de se mettre à la tête des intérêts communs de l’humanité entière ». Et si, par une conviction, peut-être seulement prématurée, il s’illusionnait sur l’importance du peuple russe (ce qui n’est nullement ma pensée), ce n’était point par infatuation chauvine mais