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pénible, très dur de les lire. Ô Micha ! pour l’amour de Dieu, ne m’en veuille pas ; songe que je suis seul et comme un caillou rejeté, — mon caractère a toujours été sombre, maladif, susceptible ; songe à tout cela et pardonne-moi si mes plaintes ont été injustes et mes suppositions absurdes. Je suis bien convaincu moi-même que j’ai eu tort. »

Sans doute Hoffmann avait raison, et le lecteur occidental protestera devant si humble contrition ; notre littérature, trop souvent teintée d’espagnolisme, nous enseigne si bien à voir une noblesse de caractère dans le non-oubli de l’injure !…

— Que dira-t-il donc, ce « lecteur occidental », lorsqu’il lira : « Vous écrivez que tout le monde aime le tsar. Moi, je l’adore » ? Et Dostoïevsky est encore en Sibérie quand il écrit cela. Serait-ce de l’ironie ? Non. De lettre en lettre, il y revient : « L’empereur est infiniment bon et généreux » ; et quand, après dix ans d’exil, il sollicite tout à la fois la permission de rentrer à Saint-Pétersbourg et l’admission de son beau-fils Paul au Gymnase : « J’ai réfléchi que, si on me refuse une demande, peut-être ne pourra-t-on pas me refuser l’autre, et si l’empereur ne daigne pas m’accorder de vivre à Pétersbourg, peut-être acceptera-t-il de placer Paul, pour ne pas refuser tout à fait. »

Décidemment tant de soumission déconcerte. Nihilistes, anarchistes, socialistes même ne vont