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Tant qu’il n’en résulte que gêne et douleur, passe encore : « Mais, hélas ! Je remarque avec désespoir que je ne suis plus en état de travailler aussi vite que dernièrement encore et qu’autrefois. » À maintes reprises, il se plaint que sa mémoire et son imagination s’affaiblissent et à cinquante-huit ans, deux ans avant sa mort : « J’ai remarqué depuis longtemps que plus je vais, plus mon travail me devient difficile. Alors, par conséquent, des pensées toujours impossibles à être consolées, des pensées sombres… » Cependant il écrit les Karamazov.

Lors de la publication des lettres de Baudelaire, l’an passé, M. Mendès s’effaroucha, protesta, non sans emphase, par des « pudenda moraux » de l’artiste, etc. Je songe, en lisant cette correspondance de Dostoïevsky, à la parole admirable, attribuée au Christ lui-même, et remise au jour depuis peu : « Le royaume de Dieu sera quand vous irez de nouveau nus et que vous n’en aurez point de honte. »

Sans doute, il restera toujours des lettrés délicats, aux pudeurs faciles, pour préférer ne voir des grands hommes que le buste — qui s’insurgent contre la publication des papiers intimes, des correspondances privées ; ils semblent ne considérer dans ces écrits que le plaisir flatteur que les médiocres esprits peuvent prendre à voir soumis aux mêmes infirmités qu’eux les héros. Ils parlent alors d’indiscrétion,