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nues à qui Dostoïevsky écrit pour la première fois, regrettant d’avoir fait attendre sa lettre, tout naïvement et simplement il dira : « Je viens de supporter trois accès de mon épilepsie — ce qui ne m’était pas arrivé de cette force et si souvent. Mais, après les accès, pendant deux ou trois jours, je ne puis ni travailler, ni écrire, ni même lire, parce que je suis brisé de corps et d’âme. Voilà pourquoi à présent que vous le savez, je vous prie de m’excuser d’être resté si longtemps avant de vous répondre. »

Ce mal dont il souffrait déjà avant la Sibérie s’aggrave au bagne, se calme à peine durant quelque séjour à l’étranger, reprend en empirant. Les crises parfois sont plus espacées, mais d’autant plus fortes. « Quand les crises ne sont pas fréquentes et qu’il en éclate une soudain, il m’arrive des humeurs noires extraordinaires. Je suis au désespoir. Autrefois (écrit-il à l’âge de cinquante ans) cette humeur durait trois jours après la crise, maintenant sept, huit jours. »

Malgré ses crises, il essaie de se cramponner au travail, il s’efforce, pressé par des engagements : « On a annoncé que dans la livraison d’avril (du Roussky Viestnik) va paraître la suite (de l’Idiot), et moi je n’ai rien de prêt, excepté un chapitre sans importance. Que vais-je envoyer ? Je n’en sais rien ! Avant hier, j’ai eu une crise des plus violentes. Mais, hier, j’ai écrit quand même, dans un état proche de la folie. »