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y a tant de réflexion, tant d’effort et tant d’énergie dans mon travail… Est-il possible qu’ayant eu pendant six ans tant d’énergie et de courage pour la lutte, avec des souffrances inouïes, je ne sois pas capable de me procurer assez d’argent pour me nourrir et nourrir ma femme ? Allons donc ! Car surtout personne ne connaît ni la valeur de mes forces, ni le degré de mon talent et c’est surtout là-dessus que je compte ! »

Mais, hélas ! ce n’est pas seulement contre la misère qu’il lui faut lutter !

« Je travaille presque toujours nerveusement, avec peine et souci. Quand je travaille trop, je deviens même physiquement malade. » « Ces derniers temps j’ai travaillé littéralement jour et nuit, malgré les crises. » Et ailleurs : « Cependant les crises m’achèvent, et après chacune je ne peux remettre mes idées d’aplomb avant quatre jours. »

Dostoïevsky ne s’est jamais caché de sa maladie ; ses attaques de « mal sacré » étaient du reste trop fréquentes, hélas ! pour que plusieurs amis des indifférents n’en eussent été parfois témoins. Strakhov nous raconte dans ses Souvenirs un de ces accès, n’ayant pas, plus que Dostoïevsky lui-même, compris qu’il pût y avoir quelque honte à être épileptique, ou même quelque « infériorité » morale ou intellectuelle autre que celle résultant d’une grande difficulté de travail. Même à des correspondantes incon-